Château des Ailati, 27 octobre, 2005
Cher Prince Charmant
Tu n’aurais pas dû me donner ce baiser. Si vraiment tu y tenais, tu aurais pu me le donner et t’enfuir tout de suite. Moi, avec les nains, je me sentais très bien. C’est vrai que j’avais sept lits à faire, mais ils étaient tout petits. Maintenant il faut que je fasse un grand lit avec tous ces voiles qui pendent du baldaquin et qui accumulent un tas de poussière. En plus, les draps en satin sont trop difficiles à repasser. Je ne trouve pas juste que tu ne m’aies pas averti dès le début des problèmes avec les domestiques à Ailati . Je sais que les temps ont changé mais je pensais que les familles des princes charmants n’avaient pas de difficultés de ce genre. Ici dans le château tout est très monotone et les murs sont si hauts qu’ils empêchent le contact avec les bois. Chez les nains il y avait toujours quelque surprise, parfois indésirable, comme celle de la sorcière, mais à bien y repenser, ça m’excitait toujours de savoir que le rythme des journées pouvait changer d’un moment à l’autre. Et puis, Prince Charmant, moi, j’adore les pommes. La sorcière m’en apportait souvent. Chaque plaisir a son prix et je n’ai jamais regretté d’avoir croqué la pomme empoisonnée. Les nains ont pleuré, mais j’ai sombré dans le sommeil, et à dire vrai, ça faisait des années que je n’avais pas aussi bien dormi. Malheureusement je me suis réveillée avec ton baiser et depuis les problèmes ont commencé. Les nains me manquent. Je ne comprends pas pourquoi tu ne les as pas voulu à nos côtés, dans le château. Dans les bois, je chantais et je dansais avec eux. Toi, en revanche, Prince Charmant, tu es tout seul et parfois, excuse-moi si je te le dis, tu es vraiment embêtant . Tu parles toujours de chasse et moi, j’aime bien les animaux de la forêt, tu t’éloignes pour de longs voyages et c’est vraiment ennuyeux de rester toute seule ; quand on sort à cheval, tu es toujours cent mètres devant moi, et c’est comme si je galopais toute seule, tu lis tout un tas de livres étranges et tu reçois des visites qui ne sont pas plaisantes. Je ne voudrais pas te vexer, mais je commence à penser à l’idée de retourner chez mes nains. Les contes de fées peuvent toujours se renouveler , tu ne crois pas Prince Charmant ?
Branche de Neige
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Château des Ailati, 28 décembre 2005
Madame la Sorcière,
Je suis le Prince Charmant, celui qui a réveillé Branche de Neige du sortilège de la pomme. Je ne vous écris pas pour vous accuser de quoi que ce soit. Au contraire, je voudrais vous demander un nouveau charme pour faire que mon épouse reste avec moi. Branche de Neige et moi sommes dans cette période délicate d’ « ils vécurent longtemps et eurent beaucoup d’enfants » dans laquelle quelque chose ne fonctionne pas. Branche de Neige semble avoir une personnalité indépendante de la mienne, ce qui me dérange beaucoup. C’est une de celles qui viennent des bois, d’un monde complètement différent de celui des Ailés. Habituée à vivre avec des nains qui travaillaient toute la journée dehors, Branche de Neige n’en faisait qu’à sa tête à la maison.
Madame la Sorcière, pouvons-nous nous rencontrer afin que vous me livriez un charme avec les instructions correspondantes ? Je vous remercie infiniment.
Prince Charmant.
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Ailati, 2 janvier 2006.
Cher Prince,
J’ai dû essayer plusieurs fois la pomme empoisonnée avant que le sortilège ne fasse effet. C’est certainement parce qu’elle a vécu longtemps dans les bois, mais votre épouse a une santé de fer, et elle a dû manger facilement cinq ou six kilos de pommes ensorcelées avant de tomber dans l’état cataleptique. Si vous vous sentez prêt à affronter cet onéreux problème- vous savez bien qu’aujourd’hui les fruits sont à des prix vertigineux- je serai heureuse de vous préparer un nouveau charme. Je pourrais vous recevoir demain soir, au crépuscule. .
Je vous prie d’agréer mes plus cordiales salutations.
Votre servante, .
La Sorcière.
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Château des Ailati, 8 mars 2006.
Mon cher prince charmant,
Ce que c’ est beau d’être aux côtés d’ un Ailati. Nos journées se passent en parfaite harmonie, mon Petit Prince Charmant à moi, et tu ne peux pas savoir comme je m’amuse à rester aux fourneaux pour t’inventer de nouveaux petits plats. Je m'attendris quand je te vois finir voracement, en cinq brèves minutes tout ce que je prépare pendant des heures et des heures de travail.
Je remercie le baiser qui m’a faite tienne ! Heureuses les femmes qui ont été réveillées comme je l’ai été ! Moi, qui suis si active, qui dans la joie et en chanson cire le sol des différents étages de notre château, je frissonne rien que de penser que j’aurais pu rester endormie pour toujours dans ce cercueil de verre d’un seul étage. Depuis que tu m’apportes chaque jour ce délicieux gâteau aux pommes- qu’est-ce que tu es gentil, mon amour-mon bonheur n’a pas de limites. La seule chose à laquelle je dois faire attention est de ne pas grossir. Ca va si tu grossis, Prince Charmant, mais moi je veux garder la ligne pour te servir en pleine forme. Je ne me lasserai jamais d’admirer tes muscles ! Les sept nains étaient un peu difformes, n’est-ce pas ? Pas grands et beaux comme toi. Quand on sort à cheval, j’aime observer de loin comme tu galopes si bien. Tu es un homme important, tu voyages souvent, et c’est merveilleux d’attendre ton retour. Quand tu arrives, c’est si tendre de savoir que nous sommes seuls au château sans domestiques pour nous casser les pieds, pas vrai, Prince Charmant ? .
Embrasse-moi toujours, mon amour, réveille-moi toujours pour préparer ton petit déjeuner ! A n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, je serai toujours prête à faire ce que tu désireras. Je t’aime mon Prince Charmant.
Ta, toujours tienne.
Branchette de Neige