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Cynerò

Passage extrait de la comédie

"Cyreno de Tuscola"(1)

(Libre adaptation de Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand)

alessandro ghebreigziabiher

Passant : Vous…avez une couleur…voilà…une couleur…très foncée.

Cyrenò : Oui, très.

Passant : Voilà !

Cyrenò : Et c’est tout ?

Passant : Mais…

Cyrenò : Eh non ! C’est un peu peu, mon ami!Il y en avait des choses à dire sur ma couleur- diable ! et des tons à arborer ! Par exemple, voyons :

Clair et direct : "Cher monsieur, un seul lemme décrit votre entière littérature : nègre"

Gentil : "Mais comment font nos yeux à ignorer un si gracieux petit nègre"

Méprisant : "Avec soin et dévouement, en recherchant minutieusement dans vos blessures, c’est sale nègre le mieux que je puis vous attribuer."

Gastronomique : "Un petit chocolat, voilà quelle goûteuse mastication m’inspire votre vue."

Moderne : "Ignorant toute provenance et destination de ce qui est votre navigation personnelle, dans un ennui conscient, vous resterez extra communautaire et rien de plus dans ma mémoire surchargée. "

Normatif : "Clandestin, et pour autant que vous goûterez la saveur de l’hospitalité, il suffira l’oubli d’un papier officiel pour vous rendre de nouveau tel"

Belliciste :"Allons, faites pousser cette barbe, dénouer vos cheveux frisés sans permanente, endossez un habit sans vous regarder dans un miroir et j’aurai moi aussi mon taliban à immoler"

Généralisant : "D’où venez-vous ? Non, ne me le dites pas, laissez moi vous regarder, un instant me suffit, j’ai l’article à l’esprit, l’erreur ne compte pas, vous êtes marocain, la plupart du temps"

Poli : " Je n’ai rien contre les personnes comme vous, de couleur, tant que vous vous comportez convenablement, pour autant que vous le puissiez."

Exagéré : " Il est inutile de le cacher avec un dialecte accentué, un débardeur reconnaissable ou une chevelure lisse. Africain, vous l’êtes inévitablement."

Chromatique : "Croyez-moi, c’est une question de commodité. Marron, en effet, est plus exact mais hélas je n’ai pas de temps à perdre avec un noir comme vous"

Préparé : "Comme fruit de l’incestueux accouplement, père exotique et mère de chez nous, prise par la ruse, on dit mulâtre."

Indifférent : "Restant inchangées les prémisses et invertissant les faits, métis est la définition et rien de plus"

Confus : "Vous comprendrez maintenant mon intolérance quand bien même vous vous révèleriez créole"

Patriotique : " Vous ne voulez donc pas vous envoler et frapper avec courage la précieuse sphère ? Vous vous refusez de glisser de manière féline parmi l’ennemi avec la même lest à vos pieds ?! Et si toutefois vous cédiez des années à votre devoir, vous osez retourner votre veste pour cracher dans le plat qui vous a nourri avec affection ? Vous ne passerez pas cette ligne, étranger, vous ne passerez plus la ligne de notre porte."

Punitif : " Que d’erreurs pouvons nous avoir commis pour vous mériter, oh charbon, à chaque feu rouge qui nous arrête."

Passionné de bande dessinées : "Y a-t-il eu un vol ? Un assassinat ? Un viol ? Ce ne peu être que vous, le coupable, dégoûtante tâche noire."

Civilisé : "La nature vous trahit, sauvage, et vous distingue de ceux qui ont choisi les lois, les droits et les devoirs, et qui nous font mériter la paix et la prospérité quand à vous ne reste que l’envie"

Politique : "Forces de travail ? Main d’œuvre pour la criminalité ? Augmentation des naissances ? Très cher immigré, vous êtes en obligation d’y trouver place"

Et enfin, actuel : "Islamique, nous nous avons le pape, le crucifix, le Vatican et la bible, et vous…non !"

Voilà combien de chose, mon cher, vous auriez pu me dire si seulement vous aviez eu quelques miettes de culture. Mais d’esprit, triste individu, vous n’en possédez pas un atome. Quant à la culture, vous n’en avez pas assez pour mettre ensemble plus des six lettres qui forment le mot crétin ! De toutes manières, quand bien même vous auriez eu tant d’imagination pour pouvoir me dédier tous ces épithètes en présence de notre noble public, vous n’auriez pas eu le temps d’en prononcer seulement un, puisque certaines choses je me les dis moi-même -avec grande désinvolture, il faut le reconnaître- mais je ne permets à personne de me les dire.

traduit par Marina Spazzi

(1)Tuscolana, rue de Rome

Alessandro Ghebreigziabiher est né à Naples en 1968 de père érythréen et de mère italienne, et vit à Rome. Il collabore depuis 1994 comme animateur théâtral au Centre Italien de Solidarité et écrit des textes pur le théâtre. Après quelques publications de récit dans des revues littéraires imprimées et on-line, il a publié en 2002 le monologue Tramonto (coucher de soleil) (Lapis ed. 2003), qui a été signalé comme un des dix meilleurs livres pour la jeunesse de l’année par l’ Internazionale Jugend Bibliotheke de Munich au salon du livre de Bologne, et a été raconté théâtralement par l’auteur à Turin en mai de cette année, dans l’Arène espace enfants de la foire du livre.

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Anno 2, Numero 9
September 2005

 

 

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